Dans un monde où les données explosent et où l’IA évolue à grande vitesse, l’audit interne fait face à une opportunité inédite. Les méthodes traditionnelles, basées sur un échantillonnage limité et beaucoup de tâches manuelles, ne suffisent plus pour répondre aux attentes croissantes des entreprises. L’analytique d’audit, boostée par l’IA, n’est plus un concept d’avenir : c’est déjà une réalité pour les équipes qui veulent travailler plus intelligemment, sans alourdir leur charge.
Cette transformation ne s’improvise pas. Comme l’a rappelé le webinaire "L’avenir de l’analytique d’audit – Travailler plus intelligemment, pas plus intensément" de l’IIA, il ne suffit pas de surfer sur la tendance : réussir à mettre en place des solutions efficaces demande une vraie compréhension des enjeux, bien au-delà de la technologie. Avec l’intervention d’Alban Clot, fondateur et co-PDG de Supervizor, le webinaire a livré une feuille de route concrète pour tirer pleinement parti de l’analytique d’audit. Le véritable défi ne se limite pas aux outils : il s’agit aussi de s’attaquer aux questions de données, de compétences et de collaboration.
Le paradoxe de l'IA : pourquoi l'audit interne ne peut pas se permettre d'être laissé pour compte
Alban a souligné un paradoxe : alors que l’IA révolutionne les entreprises, son adoption dans l’audit interne reste timide. Un sondage durant le webinaire a montré que plus d’un tiers des auditeurs internes n’utilisent pas encore l’IA au quotidien.
Cette disparité, a averti Alban, comporte des risques significatifs :
- Fuite de talents : La profession d’audit interne subit une fuite des talents : beaucoup de professionnels ne cherchent pas à quitter l’audit, mais souhaitent rejoindre des entreprises qui ont déjà intégré la technologie dans leurs pratiques. Les tâches répétitives et manuelles, telles que le recalcul de fichiers issus de systèmes multiples, sont perçues comme lassantes et constituent une source majeure de démotivation, donnant au métier une image “ennuyeuse”.
- Risques émergents : Les risques actuels, notamment en cybersécurité, exigent des outils modernes : les approches traditionnelles d’échantillonnage ne suffisent plus face à des volumes de données importants. En se limitant à quelques tests sur un ensemble massif (par exemple, 20 factures sur un million), les auditeurs prennent le risque de passer à côté de problèmes majeurs. Comme l’a rappelé Alban, il est alors impossible de garantir l’exhaustivité, d’autant que des biais humains dans la sélection des échantillons peuvent laisser passer des fraudes récurrentes mais discrètes.
- Risque de non-pertinence : Même lorsque des problèmes sont identifiés, d’autres, souvent plus graves, peuvent passer inaperçus. Selon l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE), l’audit interne ne détecte que 16 % des fraudes – un chiffre alarmant. À cela s’ajoute un délai moyen de 12 mois avant la découverte d’une fraude, ce qui remet sérieusement en cause la capacité de l’audit interne à fournir des analyses pertinentes et réactives.
Quels sont les principaux freins à cette transformation ?
Un sondage réalisé lors du webinaire a confirmé les constats d’Alban : près de la moitié des participants ont cité l’accès et la qualité des données pertinentes comme principal obstacle. Viennent ensuite le manque de compétences ou de formation sur les outils et techniques d’analyse.
Alban a détaillé ces défis persistants :
- Données fragmentées : Dans les grands groupes internationaux, la multiplicité des ERP (SAP, Oracle, etc.) et des formats de fichiers complique fortement la consolidation et l’utilisation des données. Il a cité l’exemple d’un distributeur allemand ayant mis deux mois à collecter ses données, avant de réaliser qu’il ne disposait même pas d’outils adaptés pour exploiter un fichier de plusieurs millions de lignes.
- Manque d’outils et de compétences : Même avec l’accès aux données et des solutions comme SQL Server, les équipes d’audit interne manquent souvent des compétences nécessaires pour développer, tester et exécuter des scripts sur de larges volumes de données. Réussir ce travail exige à la fois une solide compréhension métier et des compétences techniques pointues.
- Faux positifs et difficulté à prouver la valeur : Enfin, même lorsque l’analyse est réalisée, il reste à s’assurer que les résultats sont pertinents : l’analytique peut générer de nombreux faux positifs ou des constats déjà connus, ce qui alimente le scepticisme et complique la justification du ROI ou l’obtention de moyens supplémentaires.
Conseils clés pour réussir un programme d’analytique d’audit
Pour surmonter les obstacles, Alban recommande :
De mettre la qualité des données au cœur du dispositif
C'est non négociable. Comme le dit l'adage, "poubelle en entrée, poubelle en sortie". Si vous alimentez votre programme d'analytique (ou même un outil d'IA) avec de mauvaises données, vous obtiendrez des insights sans valeur. Pour cette raison, on estime que 80 % du temps d'une équipe d'audit est consacré à la capture, au nettoyage et à la préparation des données — et non à l'analyse proprement dite.
- Connexion directe aux sources : Efforcez-vous toujours de vous connecter directement aux données sources. Recevoir des fichiers par email via de multiples intermédiaires augmente le risque de corruption et compromet l'intégrité des données. L'accès direct garantit que vous travaillez avec les informations les plus fiables.
- Gouvernance et standards : Établissez des politiques claires de gouvernance des données et des standards. Cela signifie parler le même langage que les équipes informatiques et métier, utiliser une terminologie cohérente et définir uniformément les champs de données.
De développer la culture data au sein de l’équipe
- Compréhension des données : Il n’est pas nécessaire que chaque auditeur devienne data scientist, mais un minimum de culture data est indispensable. Comprendre le sens et le contexte des jeux de données – y compris des notions techniques comme “BKPF” dans SAP – est essentiel. Parfois, une simple différence, comme celle entre un numéro de facture interne ou externe, peut conditionner la réussite ou l’échec d’un contrôle de doublons.
- Partage des réussites : Diffusez les bonnes pratiques et les succès analytiques pour renforcer la dynamique collective et encourager l’apprentissage continu.
De bâtir des relations solides avec les propriétaires de données
- Prenez le temps d’expliquer vos objectifs aux équipes data et IT, en mettant en avant les bénéfices concrets que l’analytique d’audit peut leur apporter, afin de susciter leur adhésion.
- Impliquez l’ensemble des parties prenantes – de la direction aux développeurs – pour bien comprendre les processus existants et instaurer un climat de confiance et de collaboration.
De bâtir des relations solides avec les propriétaires de données
- Débutez sur un périmètre limité (par exemple, une filiale ou un processus bien maîtrisé) afin d’obtenir des résultats rapides et tangibles, démontrant ainsi la valeur ajoutée du projet.
- Utilisez ce succès initial pour instaurer des standards et faciliter l’adhésion des parties prenantes, ce qui permettra ensuite de déployer efficacement le programme à plus grande échelle.
Au-delà de l’échantillonnage traditionnel : révéler la puissance de la technologie
- Le webinaire a souligné qu’au-delà de l’expertise humaine, disposer d’une technologie adaptée est désormais indispensable pour dépasser les limites de la qualité des données et de l’échantillonnage classique. Les solutions capables de standardiser automatiquement des données issues de systèmes multiples constituent de véritables moteurs de transformation.
- Par exemple, la technologie Supervizor se connecte directement aux systèmes transactionnels (SAP, Oracle, etc.), collecte les données de différents modules (A/P, A/R, G/L) et les uniformise dans un datalake unique. Elle automatise ainsi la tâche complexe de réconciliation entre formats et modèles hétérogènes : quelle que soit l’origine ou le pays de saisie d’une facture, celle-ci sera stockée et analysée selon les mêmes critères partout dans le monde. Cette automatisation réduit considérablement le temps consacré à la préparation des données (habituellement 80 %), libérant ainsi les auditeurs pour se concentrer sur l’analyse et la production d’insights.
- De plus, ces solutions offrent une bibliothèque de contrôles prêts à l’emploi (par exemple, Supervizor propose plus de 350 contrôles standards, classés par processus comme P2P, R2R, R2C). Cela permet de tester l’intégralité des données, sans se limiter à un échantillon, et de détecter plus rapidement les risques et anomalies grâce à une surveillance continue.
Les bénéfices : protéger votre marque, instaurer la confiance
Un programme d’analytique d’audit bien conçu offre des avantages concrets à l’ensemble de l’organisation :
- Du simple échantillonnage à l’analyse de l’intégralité des données : Tester l’ensemble de la population de données réduit considérablement le risque de passer à côté de problèmes majeurs et apporte une assurance plus forte et plus fiable.
- Détection accélérée des fraudes et des schémas anormaux : Un contrôle continu sur toutes les transactions permet d’identifier beaucoup plus rapidement fraudes et anomalies, renforçant ainsi la sécurité financière.
- Renforcement de la marque et de la confiance : Un audit robuste et fondé sur les données protège la réputation de l’organisation, rassure les investisseurs et instaure la confiance dans la fiabilité des chiffres financiers.
En conclusion, mettre en place un programme d’analytique d’audit performant est un véritable parcours, alliant vision stratégique, investissement dans les talents et adoption d’outils technologiques adaptés. Il s’agit de faire évoluer l’audit interne, d’un rôle traditionnellement réactif basé sur l’échantillonnage, vers un partenaire stratégique, proactif et ancré dans la donnée. En misant sur la qualité des données, en développant la culture data, la construction de relations solides et l’utilisation de technologies dédiées, les équipes d’audit peuvent aborder avec intelligence les défis du paysage data moderne et gagner en efficacité.
Pour approfondir ces enseignements et découvrir des exemples concrets d’équipes d’audit interne tirant parti de l’analytique, nous vous invitons à visionner le webinaire « L’avenir de l’analytique d’audit – Travailler plus intelligemment, pas plus intensément ».